par Jean Podevin
J’ai souvent pratiqué la montagne. C’est une dame exigeante, qui ne se fait apprécier que si on la mérite… à coups d’efforts, de patience, d’observations, d’entraide, de méfiance parfois, de sagesse toujours, le tout dans le silence et le recueillement autant que dans l’émerveillement.
Les téméraires s’y perdent, les audacieux s’y retrouvent, les timides s’y rassurent, les courageux s’y acharnent, les faibles s’y aventurent, les forts s’y confortent, les sages s’y inspirent, les amoureux s’y conjuguent, les artistes y rêvent.
C’est un peu tout cela l’Ascension que nous propose le Ressuscité.
Depuis toujours il a fallu monter, grimper, s’accrocher et se dépasser pour parvenir à l’essentiel. Voyez donc Moïse : il a mis 40 jours pour atteindre le Sinaï et en descendre, certes bien chargé des tables de la loi.
Jésus a lui-même été emmené au sommet des montagnes pour y être tenté… (Là il s’agit d’une ascension ratée…. par celui qui voulait être plus malin que son maître… il en est tombé de haut, un peu comme Icare.)
Jésus en personne emmène ses « adjoints » directs ; Pierre, Jacques et Jean en haut d’une montagne… près de Moïse et Elie…. S’en dégage alors une sensation de bien-être quasi artificiel, comme dans un nuage ou un cocon de bonheur. « Vite installons nos hôtes du moment dans un confort plutôt agréable, ne serait-ce que pour faire durer cet état second »… Non, d’un seul coup d’un seul, devant ce temps que voulaient figer les apôtres, l’instant d’éternité redevient fugace et Jésus leur impose le silence jusqu’à sa propre résurrection. C’était une invitation, non pas un acte publicitaire, mais simplement prémonitoire…
La montagne, toujours la montagne… vous savez le fameux sermon des béatitudes. Le décor était excellent, absolument ad hoc compte-tenu de la teneur du message : « visez l’impossible pour les hommes, moi je vous aiderai à atteindre les sommets de l’amour, du respect du pauvre et de l’incrédule… je vous donnerai un jour la foi pour renverser les montagnes… pour mettre les sommets à la portée de tous… ». Aucun prophète au monde n’a depuis osé dire le millième de ce qu’il a prêché.
L’Ascension c’est un savant mélange dans les valeurs classiques, temporelles, mais c’est aussi une formidable invitation à élever notre esprit vers un autre regard, à d’autres valeurs, à d’autres dimensions, à d’autres actions, à d’autres pensées, à d’autres prières… à d’autres hommes ou civilisations, en un mot à tous nos frères dans l’humanité…
L’Ascension est une invitation à devenir éternel, à vivre dorénavant et sans cesse dans ce moment qu’ont vécu les apôtres… non pas à trois mais en compagnie de tous les êtres humains d’hier, d’aujourd’hui et de demain en présence du Créateur. Quel événement que ce moment extraordinaire de séparation, quand Il disparaît aux yeux des hommes, en vue de retrouvailles d’un peuple avec son Père !